
« La crise Covid a mis en relief la grande précarité sociale et économique de notre territoire. Ici, 29 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage est de 23 %. Durant le premier confinement, synonyme de fermeture des espaces associatifs, certains n’avaient rien à manger. C’est ce constat dramatique qui nous a poussé à agir », explique Thierry Bordot, maire de Saint-Loup-sur Semouse.
L’édile fait alors la rencontre d’Eglantine Pelcy, directrice de l’association Epi’Cerise, qui porte en Haute-Saône des épiceries solidaires agréées chantier d’insertion. L’idée d’en monter une sur la commune émerge, et « en deux mois à peine, celle-ci naît, fruit d’une volonté politique, d’un savoir-faire associatif, et surtout, de valeurs communes », soulignent les deux promoteurs du projet.
Installée en décembre 2020 dans un local mis à disposition par la commune, l’épicerie, ouverte deux demi-journées par semaine, est tenue par quatre salariés en parcours d’insertion chez Epi’Cerise et deux bénévoles. Produits frais et d’hygiène vendus à prix réduit à des familles orientées par les travailleurs sociaux proviennent pour l’essentiel de dons de la Banque alimentaire, livres et DVD de dons de la médiathèque.
Accompagnement personnalisé
En 2021, 134 foyers représentant 330 personnes, résidants de Saint-Loup et de quelques communes voisines, ont bénéficié de ses services. Et le lieu est loin d’être synonyme d’une « simple » aide alimentaire. C’est « en effet un radar précieux pour identifier les difficultés des plus fragiles, ceux souvent qualifiés d’invisibles. Et donc un excellent biais pour proposer un accompagnement ad hoc à chacun, généralement via le CCAS. Garde d’enfants, aide à la mobilité, au logement… l’idée est de permettre à chacun de s’investir dans un nouveau parcours de vie », pointe Thierry Bordot.
L’épicerie solidaire s’inscrit d’ailleurs dans un projet global d’insertion porté par la commune, labellisée Petite ville de demain. Elle est installée sur une friche industrielle de quatre hectares, rachetée pour partie par la municipalité il y a dix ans, et devenue aujourd’hui pôle de développement économique, social et culturel abritant le Conservatoire de la cité du meuble, une médiathèque, un éco-hameau, et une société coopérative d’intérêt collectif (Scic) créée par la commune et des entreprises locales pour développer la filière de construction en bois local via l’insertion.
Chantier d’insertion expérimental
La dynamique à l’œuvre à l’épicerie sociale a conduit la commune et Epi’Cerise à monter ensemble un nouveau projet : la création d’un atelier bois, baptisé Lobo Tech, chantier d’insertion pour les plus éloignés de l’emploi, « ceux qui, pour x raisons, âge, santé… ne trouvent aucune réponse dans les dispositifs existants », explique Eglantine Pelcy. Doté de dix places, il est installé en septembre 2021 dans une ancienne ébénisterie du centre bourg, que la commune venait de racheter pour créer une « école de l’entreprise » dont les contours restaient à définir. Outre ce local, la mairie met à disposition un employé municipal, encadrant techniquement l’atelier avec un assistant en contrat aidé, salarié d'Epi'Cerise, et deux conseillères en insertion (à 20 % chacune).
« Nous nous sommes inspirés d’une expérimentation en cours dans de grandes villes, le dispositif Premières heures porté par Convergence et Emmaüs défi, explique Églantine Pelcy. Une dérogation de la Préfecture permet que les salariés travaillent moins de 20 heures hebdomadaires, et signent des CDD de quatre mois, renouvelables et évolutifs. »
L’originalité de l’atelier réside aussi dans « la prise en compte de chaque personne dans sa globalité », souligne le maire. « C’est le CCAS qui vérifie l'éligibilité au chantier d'insertion. Une orientation prétexte pour accrocher les personnes à un accompagnement personnalisé. Santé, mobilité, garde d'enfant… L'accompagnement est mutualisé entre les conseillères en insertion de l'atelier et le CCAS, et évolutif, selon les avancées de chacun », explique Églantine Pelcy. En mars, les premiers objets fabriqués par l’atelier, des bacs à fleurs, ont été achetés par le Lions club et installés dans une école de Vesoul. « Le modèle économique de l’atelier reste encore à définir. L’objectif est qu’il soit pérenne et réplicable. On y travaille. Plusieurs communes et la Région s’y intéressent d’ailleurs de très près », indique Thierry Bordot.
En attendant, il a déjà accueilli 17 personnes. Une seule a souhaité arrêter. Deux ont été embauchées comme ouvriers communaux, une est partie en entreprise d’insertion, deux autres sont sorties sur des parcours de soins, et trois autres travaillent actuellement leur retour vers l’emploi.
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